Entrer en dissidence. Reprendre le flambeau.
Les mots des poètes nous parviennent comme des flambeaux pour éclairer le monde, ils traversent les ténèbres des temps.
Aujourd’hui, j’écris ce Manifesto en pleine tempête du Covid-19. Notre époque, dans cette épreuve, et pour “l’après”, a besoin de ces cœurs courageux qui reprennent et passent le flambeau des poètes. En ce moment, plus que jamais, le monde fait communauté dans toute ses vulnérabilités, dans toute sa fragilité humaine. Dans ce même monde, qui, pourtant, se déshumanise, en délaissant l’âme, cette île de paradis perdu.
La poésie, c’est ce langage qui manque tant à ce monde, celui du cœur, le cœur ouvert, le cœur qui s’élève, le cœur qui saigne, le cœur noble, le cœur fragile, sans armure de protection. Laisser parler ce cœur, écrire et partager nos fragilités, même les plus intimes, pour célébrer cette humanité retrouvée.
La dissidence poétique c’est avoir le courage de choisir la course aux nuages plutôt que le course effrénée de la performance, de la concurrence, des cerveaux endormis, des yeux asséchés devant les écrans, , de la “foule sentimentale” aveuglée, affolée, coupables et victimes, que nous sommes, dans le brouillard noir du défilé des jours aux idéaux déchus.
Reprendre le flambeau des poètes, c’est s’y brûler le cœur ardent dans les instants suspendus, trésors de chaque jour, de chaque fleur sauvage qui parvient, malgré tout, à pousser entre les dalles de béton…
Choisir la douce brûlure des poèmes au burn-out, privilégier la fenêtre ouverte sur tous les possibles, même au sommet des tours, dans les vitres blindées des open spaces.
Célébrer le doux-rêveur, sa douceur, le temps long quand tout autour s’accélère. Se laisser dissoudre dans l’instant.
À la question “Comment faire pour garder intact l’émerveillement ?”
Le poète Christian Bobin répond “Toujours ramener la vie à sa base, à ses nécessités premières : la faim, la soif, la poésie, l’attention au monde et aux gens. Il est possible que le monde moderne soit une sorte d’entreprise anonyme de destruction de nos forces vitales, sous le prétexte de les exalter. Il détruit nos capacités à être attentif, rêveur, lent, amoureux, notre capacité à faire des gestes gratuits, des gestes que nous ne comprenons pas. . Il est possible que ce monde moderne, que nous avons fait surgir et qui nous échappe de plus en plus, soit une sorte de machine de guerre impavide. Les livres, la poésie, certaines musiques peuvent nous ramener à nous-mêmes, nous redonner des forces pour lutter contre cette forme d’éparpillement. La méditation, la simplicité, la vie ordinaire : voilà qui donne des forces pour résister. Le grand mot est celui-là : résister.”
Les poètes savent les danger, de tout temps, les poètes sont des résistants.
S’arrêter. Demeurer dans ce silence. Écrire, chanter… vivre les poésies “par cœur” comme des prières dans les monastères, faire de nos âmes des châteaux de princes, ouverts aux quatre vents, ouverts à l’étrange comme à l’étranger. Ouvrir toutes les frontières de l’âme plutôt qu’ériger des forteresses.
Espèce rare que celui ou celle, qui, dans la multiplication des armures réelles et virtuelles, demeure au bord de l’abîme quitte à chuter, encore et encore, celui ou celle, qui se lève et n’a pas peur de parler le seul langage qui vaille vraiment, le langage du cœur.
Chacun en soi possède pourtant cette essence de vie dans laquelle il peut puiser des myriades de trésors qui sont tout l’or du monde. Sa lumière d’or.
Il en faut du courage. Et pourtant, il est possible de retrouver le temps de l’enfance, celui du jeu sans fin, la joie pure du paradis de l’enfance n’est pas perdue, elle se trouve dans le présent, dans l’instant. S’arrêter. Observer. Voir. Sentir. Éprouver. Et même par la fenêtre. L’immensité des vies possibles, la Beauté infime et infinie de la vie. S’arrêter. Et quand nous pourrons sortir de nos cellules de confinement : cueillir l’instant comme un fruit mûr et délicieux sur un arbre devant soi. Et ce, malgré toutes les douleurs, toutes les galères, tous les deuils, qui ne sont pas ignorés.
Et dans cette époque du règne des chiffres, de la performance, de la voix qui porte dans le faux, pour exister dans le paraître, quel est la place du doux rêveur ?
Dans ce Manifesto, le doux rêveur est un héros. Il/elle a le courage de se laisser traverser par le rayon perçant de la lumière de cette vérité nue, malgré la douleur de n’avoir pour armure que son âme pure. La doux rêveur est fidèle, à son âme d’enfant, à ses rêves, aux promesses d’amour évanouies dans des heures de nulle part, malgré les monnaies courantes de lâcheté, dans l’adversité. Opération de survie à cœur ouvert dans un monde qui suffoque dans ses pollutions de tout désordre.
La dissidence poétique est une révolution qui prend racine à l’intérieur. Le doux rêveur, héro en Poésie, avance pieds nus dans l’herbe folle comme un tzigane de l’âme. D’autres dissidents le suivent à l’aube du jour, et de la vie… Écrire en solitaire c’est être solidaire.
Peut-être, qui sait, en entretenant le flambeau, en faisant don de sa lumière intérieure, même en infime flamme, la poésie éveille aussi les consciences.
Passeurs de mots, passons le flambeau.
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