Le Sacre du Printemps dans un hiver sans fin

Le Sacre du Printemps dans un hiver sans fin

Je suis “confinée”, dans un appartement. Je n’ai plus accès aux chemins de traverse de la garrigue adorée. Je dois renoncer à mes fugues à l’aube du jour, à l’aube de la vie. Peu m’importe, après tout. J’ai cueilli le printemps.

J’ai trouvé l’antidote à la vie qui se fige dans un vide.

J’ai trouvé mon heure. 

Elle m’est apparue là dans le creux de l’après-midi, là où se loge l’oubli du monde dans la sieste. 

Elle m’est apparue dans la cuisine, par la fenêtre de la cuisine.

La fenêtre me sauve. Je me sauve par la fenêtre. 

Par elle, la sublime lumière du printemps, toute pleine de douceur, inonde mon monde intérieur, déborde de mon coeur dans une douce douleur.

Je surprends ma cuisine peuplée de merveilleuses créatures qui prennent vie dans le silence. 

Ce calme est interrompue seulement par les roucoulements des tourterelles, leurs battements d’ailes au bord des toits. 

J’ai trouvé mon heure. Au fond de l’absence.

Elle m’est apparue comme un miracle dans la vision de ce verre, dans le reflet de la lumière d’éternité dans ce verre, dans la beauté da la nature printanière contenue dans ce verre. Vision mystique recueillie à cette heure.

Je plonge dans cette heure creuse qui s’étire à l’infini, comme on rejoint l’infini de la mer, de tout son corps, de toute son âme dénudée dans une extase.

Heure volupteuse. Mon soleil, mon prophète caresse ma peau de sa délicate chaleur, sur mon bras, sur mes doigts.

J’ai trouvé l’antidote au vide, des heures qui se figent, blanches, à l’âme éteinte par le dehors, par la peur. À cette heure victorieuse, la lumière supplante le vide.

Cette heure, c’est celle où le temps n’existe plus. Je me fais mienne de cette heure. La vie n’est pas avant, elle n’est pas après. Le vide c’est de croire que la vie c’est après. La Vie est là, toute entière, dans ce verre, dans cette lumière, dans cette heure, dans cette page d’écriture. La vie – comme l’eau, comme l’oiseau, continue de se déverser, continue de chanter dans la mer, dans le ciel pur. Comme elle, je me déverse et je chante, dans l’infini du temps, parmi eux. 

Je suis un chat qui se prélasse à cette heure creuse, dans un sommeil de prince à la conquête du soleil.

Je saute par-delà la fenêtre, je plane comme la tourterelle au-dessus des toits endormis.

Je tape des mots sur mon clavier comme on fait de la musique

Je savoure les mots comme des baisers. Je danse avec eux dans la nuit en une étreinte fougueuse, une valse amoureuse.

Je suis la marguerite dans le verre, arrachée à sa terre, plongée dans un verre tendue vers le soleil.

J’ai trouvé la poésie. 

Et je la garde au plus près de moi, dedans. Et partout, sur tous les chemins. 

Par la fenêtre. Dans la lumière printanière.

Dans ce verre, j’ai recueilli la nature – et la nature et la poésie sont soeurs de sang.

Les poèmes sont commes des prières.

Je suis une sainte, je prierai à cette heure de gloire tous les jours, dans la lumière, comme un rituel pour un monde exaucé.

Faire mien le temps, le faire sacré, c’est le secret.

J’ai trouvé l’heure sacrée au coeur du printemps, au coeur de l’enfermement.

La Sacre du Printemps.

Et je n’ai pas peur. 

Je sais, qu’il me faudra garder cette heure, la plus précieuse, pour pouvoir traverser le printemps dans un hiver prolongé…


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